Un peu d’histoire…
La résistance de la vigne aux maladies et ravageurs est devenue un sujet d’étude dès le milieu du XIXème siècle, avec l’introduction en Europe de maladies dévastatrices – oïdium, mildiou, black rot, phylloxéra – venues d’Amérique du Nord.
Des croisements entre des vignes américaines (V. rupestris, V. lincecumi, V. berlandieri…) et européennes Vitis vinifera – sensibles dans leur grande majorité – ont alors été réalisés pour obtenir de nouvelles variétés appelées hybrides producteurs directs, résistantes à la fois à l’oïdium, au mildiou et au phylloxéra. Les recherches développées au cours du XXème siècle ont permis de caractériser d’autres sources de résistances : des Vitis américaines (V. rotundifolia, etc.) mais également des espèces de Vitis d’origine asiatique (V. amurensis, etc.).
Ces hybrides ont eu un succès tel qu’en 1958 ils couvraient 30% du vignoble français était couvert par les cépages résistants, soit 400 000 ha ! Cependant, la qualité insuffisante du vin obtenu à partir de ces hybrides entraîne leur exclusion, de même que les premières lois sur la protection des appellations d’origine en France freinent leur développement dès les années 30. En 1951, la plantation de cépages hybrides en AOC est finalement interdite, elle ne subsistera que pour les vins de table.
Alors que l’hybridation diminuait en France à partir des années 50, celle-ci s’est maintenue dans d’autres pays comme en Allemagne, Suisse, Hongrie, ou encore République Tchèque.
Les programmes de recherche en France : vers un pyramidage des gènes de résistance
En France aujourd’hui, l’amélioration de la vigne pour la résistance au mildiou et à l’oïdium est conduite par l’INRA, en partenariat avec l’IFV depuis 2012.
A partir de 1974, des travaux sont menés par le chercheur Alain Bouquet pour incorporer à la vigne européenne (Vitis vinifera) des facteurs de résistance portés par l’espèce Vitis rotundifolia. Ce programme a abouti au bout de 25 ans aux variétés monogéniques baptisées « Bouquet », portant un gène de résistance au mildiou (Rpv1) et un gène de résistance à l’oïdium (Run1).
En 2000, l’INRA de Colmar engage un programme de création variétale à partir des variétés « Bouquet », avec pour objectif l’intégration de plusieurs gènes de résistance aux cépages résistants (ce qu’on appelle le pyramidage de gènes), pour plus de durabilité des résistances . Ces variétés polygéniques sont appelées « ResDur ».
Trois séries de croisement ont été effectuées, donnant lieu aux variétés ResDur 1, 2 et 3, comme le montre le schéma ci-dessous.
Compte tenu des contraintes techniques et réglementaires, 15 ans sont actuellement nécessaires pour sélectionner une variété : 3 ans de sélection précoce, suivis de 6 ans de sélection intermédiaire, et enfin 6 ans de sélection finale, au cours desquels on teste au champs la valeur agronomique, technologique et environnementale des variétés candidates (tests VATE).
A ce jour, le programme ResDur a abouti à la présentation à l’inscription des variétés Artaban, Vidoc, Floreal et Voltis.
Situation actuelle des cépages résistants
Aujourd’hui, les principaux acteurs de la sélection de cépages résistants sont :
- En France : INRA, IFV
- En Allemagne : Staatliches Weinbauinstitut Freiburg (WBI), Julius Kühn Institut (JKI)
Le WBI Freiburg est notamment à l’origine des cépages Cabernet Cortis, Monarch, Muscaris ou Souvignier gris, obtenus dès les années 80. Retrouvez ici un arbre généalogique potentiel de ces cépages.
- En Italie : Istituto di Genomica Applicata Udine (IGA)
- En Suisse : l’Agroscope, et Vincent Blattner (sélectionneur privé)
On compte en tout plus de 113 cépages résistants, dont 300 ha sont actuellement plantés en Europe.
Pour en savoir plus :
Agroscope, La vigne, volume 1 : maladies fongiques (2014)
Groupe ICV, Les cépages résistants aux maladies cryptogamiques – Panorama européen (2012)
Dossier de presse INRA / IFV : Pour une viticulture durable et de qualité : les résistances au cœur de la sélection variétale (2017)
Revue des Oenologues et des techniques vitivinicoles et oenologiques – Dossier spécial Cépages (2015)
Schneider C., La création française de matériels génétiques améliorés pour la résistance au mildiou et à l’oïdium (Resdur et Bouquet) (2016)
Merdinoglu D. et Schneider C., Le paysage des variétés européennes : quels gènes et quel déploiement ? (2016)
Merdinoglu D. et Delmotte F., Les gènes de résistance au mildiou et à l’oïdium de la vigne au sein des Vitis et des genres apparentés (2016)